Mais, il souligne que rien n’allait de soi à l’époque, surtout quand il s’agissait de respecter le cadre symbolique, alors sous une forte étreinte du parti communiste tout-puissant, toujours sur le qui-vive vis-à-vis de l’expression manifeste des sentiments nationaux serbes : « Je devais être prudent et tenir compte de l’attitude du parti communiste. Karadjordje devait être respecté, mais si j’avais fait un autre plat avec un autre nom que le parti n’apprécierait guère, cela n’aurait pas passé ». Il rapporte même son expérience lors de ses nombreux voyages à travers le monde quand il a entendu parler à plusieurs reprises de l’« escalope de Karadjordje » dans différents occasions.
En tant qu’enseignant dans une école de cuisine, Milovan a redécouvert environ 1 000 plats traditionnels, en grande partie oubliés jusqu’à lui. Son amour de la bonne chère l’a conduit à travers toute sa vie, ainsi que le désir de faire plaisir à ses clients parmi lesquels se trouvaient, entre autres, l’empereur de l’Ethiopie Hailé Selassié, puis Churchill et Staline, mais aussi la reine d’Angleterre, Indira Gandhi, Kadhafi, et beaucoup d’autres encore parmi les hommes politiques des quatre coins du monde. Interrogé sur ses attentes au début de l’ « aventure » appelé l’ « escalope de Karadjordje » Milovan reconnait humblement : « Sincèrement parlant, je n’y attendais pas un tel succès. Mais je savais que les choses allaient s’arrangeaient avec le plat au fil du temps. »
Dusan Gujanicic