S’il y avait un domaine dans lequel la capitale serbe ne pouvait guère être fière (mais l’Etat serbe en général non plus) pendant plusieurs années au début de ce XXIe siècle, c’était bien le rapport national à l’égard des musées. Outre une très longue période, incroyablement longue dirait-on, pendant laquelle le Musée national, ce trésor unique, avait vu ses portes fermées (de 2003 à 2018), le même constant valant hélas peu ou prou pour le Musée d’art contemporain (fermé de 2007 à 2017), un destin pareil avait frappé le musée de Zemun au début du XXIe siècle, cette « ville dans la ville », comme beaucoup aiment à la surnommer, d’ailleurs non sans raison.
Son charme qu’il a gardé à travers les siècles jusqu’à nos jours, facilement reconnaissable notamment lors des ballades agréables et ensoleillées dans ses vieilles ruelles étroites ou pavées, est une marque de fabrique de cette ville qui pourrait plaire même à des visiteurs exigeants.
Mais, depuis quelques années les choses commencent à bouger, espérons-le, dans le sens positif dans le contexte de la politique muséale. Après de grands chantiers nationaux entamés et achevés sur ce plan récemment, certains projets plus locaux, mais pas de moindre importance pour la culture, sont venus à l’ordre du jour. Et là, l’on parle de la fameuse « maison de Spirta » (« Spirtina kuća » en serbe), comme l’appellent habituellement les citoyens de Zemun. Il s’agit d’une famille d’origine probablement aroumaine ou grecque, influente, riche et anoblie au fil du temps, dont le premier membre était venu à Zemun dans la première moitié du XVIIIe siècle, ou plus précisément en 1739, depuis le nord de la Grèce. Or il est clair que plusieurs générations de la famille de Spirta ont laissé, par leur richesse, leur influence et leur travail, une trace profonde, pour ne pas dire éternelle, dans l’histoire de Zemun.
Le musée de Zemun fut fondé en 1954, et ladite maison servait depuis 1970 comme le siège du musée, alors que la première collection permanente remonte en 1971. Le bâtiment, érigé dans un style néogothique vers le milieu du XIXe siècle par l’architecte autrichien Von Ferstel, se trouve dans l’artère principale de Zemun qui appartient à son centre historique. Son architecture remarquable, visiblement différente des autres bâtiments dans la ville, témoigne d’un grand souci esthétique exprimée lors de la construction, mais aussi dans l’entretien de la maison.
Les autorités municipales ont annoncé la fin des travaux de rénovation pour le mois de septembre 2022. Espérons que les citoyens de Zemun, mais aussi tous les autres nombreux amateurs de cette ville sympathique au bord du Danube dont l’esprit de clocher proverbial (acceptons-le dans le sens positif ici) a trouvé depuis longtemps déjà même sa place dans les anecdotes et plaisanteries largement connues et diffusées à Belgrade, pourront jouir de toutes les bonnes surprises qui les attendront bientôt dans le musée de leur ville adorée.
Dusan Gujanicic