
Un grand nom de la culture serbe nous a quittés hier. Milovan Vitezovic, écrivain, poète, scénariste, aphoriste, essayiste, penseur, bref intellectuel tout simplement, a rejoint le panthéon de ses illustres compatriotes, plus nombreux dans les cieux qu’ici-bas, diraient probablement certains esprits nostalgiques.
Si l’on peut parler d’un véritable « homme national » à la façon de ceux qui ont vécu au XIXe siècle, période de la renaissance nationale serbe, c’est bien cet homme dont l’œuvre si riche, si profonde et si intéressante restera pour toujours dans l’héritage culturel du peuple serbe. « L’écrivain dont les œuvres complètes furent publiées trois fois », comme certains journalistes s’amusent à le qualifier depuis hier, nous a légué tant de choses qu’essayer de les énumérer ici de manière exhaustive serait une vaine entreprise. Sont notamment remarquables ces deux romans, parmi plusieurs qu’il a écrits : « Le chapeau du professeur Vujic » et « L’aboiement sur les étoiles », avec dans la suite une série et un film réalisés portant le même nom, et d’ailleurs très réussis, gagnant une grande popularité auprès de plusieurs générations. Ses livres d’aphorismes perspicaces, au nombre de sept, avaient également attiré une grande attention du public de son vivant.
De même, ses livres de poésie, consacré principalement aux enfants, ont marqué une période importante dans l’enfance de beaucoup de générations en Serbie. Mais, là peut-être où il sera le plus reconnaissable dans l’avenir, proche et lointain, sont ses scénarios pour les séries télévisées à forte dimension à la fois historique et pédagogique, comme par exemple : « Vuk Karadzic », « Le Royaume de Serbie », « La Principauté de Serbie », « Dimitrije Tucovic », « Là où mûrit le citron jaune ». Notons également que la première des séries citées, « Vuk Karadzic » (1987), fut déclarée la meilleure série au Festival à Rome cette même année. Nombre de ces œuvres ont été traduites dans plusieurs langues étrangères, y compris le français (à titre d’exemple son roman « Les chaussettes du roi Pierre »).
Ajoutons à la fin de cet hommage modeste un fait divers qui, hélas, en dit long sur l’esprit de notre époque. Un grand homme de la culture serbe, tel que Milovan Vitezovic, n’a « mérité » sa biographie qu’en 3 langues sur la page de Wikipédia qui lui est dédiée, alors que de nombreuses « stars » mondiales du show-business en ont « mérité » plusieurs dizaines dans ce sens. Leur contribution à la bienfaisance de l’humanité aura été plus grande par rapport à celle des amateurs passionnés et sincères du livre et de la culture, surtout s’ils proviennent des« petits » pays. Malgré tout, Milovan Vitezovic trouvera à coup sûr sa place méritée dans la mémoire collective du peuple serbe reconnaissant.
Dusan Gujanicic