L’Algérie et la Serbie (avant c’était la Yougoslavie) entretiennent des relations très étroites, on pourrait dire fraternelles, qui perdurent à ce jour. Belgrade a joué un grand rôle dans la lutte des Algériens contre la France jusqu’à l’indépendance définitive. En signe de grande amitié avec Belgrade, l’Algérie, après avoir déclaré son indépendance, a voulu nommer sa monnaie nationale DINAR (la monnaie nationale en Serbie). L’idée s’est réalise et aujourd’hui les deux pays ont le Dinar comme la monnaie nationale.
Aujourd’hui, l’Algérie entretient d’excellentes relations bilatérales avec la Serbie, elle n’a pas reconnu le soi-disant Kosovo, et les étudiants algériens continuent d’étudier en Serbie.
La diplomatie yougoslave n’a pas hésité à condamner férocement le colonialisme dans les années ’50 du 20ème siècle. Dans la pratique, la Yougoslavie a soutenu chaque lutte des pays africains et asiatiques pour l’indépendance, par ses efforts diplomatiques au sein des Nations Unies. Cependant, la RFSY a parfois agi courageusement et de manière bilatérale, au risque de compromettre ses relations avec les puissances occidentales, et a aidé directement certains mouvements de libération nationale.
Le plus significatif d’entre eux est certainement le cas de l’Algérie. Les dirigeants yougoslaves se sont très tôt intéressés au Front de libération nationale (FLN) algérien. Ils prendent contact avec les rebelles algériens du Caire en 1953-1954 et gagne très vite leur confiance. Le Caire était par ailleurs le siège de la plupart des organisations de libération nationale des pays africains, parmi lesquelles la RSFY cherchait à démontrer sa crédibilité.
Dès le début du soulèvement populaire en Algérie, sous la direction du FLN, le 1er novembre 1954, Belgrade exprime ouvertement sa sympathie pour les objectifs des rebelles algériens, les défend devant les Nations unies, mais procède également à des livraisons secrètes de d’importantes quantités d’armes légères au quartier général du FLN au Caire. En janvier 1955, la délégation yougoslave vote en faveur de la proposition saoudienne de porter le problème algérien devant le Conseil de sécurité. Après cela, elle a demandé que la question soit discutée lors de la session de l’Assemblée générale, affirmant, avec les délégations afro-asiatiques, qu’en Algérie, il s’agit d’un soulèvement populaire, et non de l’action „d’un petit nombre d’extrémistes“, comme la France l’affirme officiellement.
La Yougoslavie a condamné „l’obsession“ de la France pour une „solution militaire“ et a appelé à la reconnaissance des aspirations légitimes des Algériens et de leur droit à „déterminer leur propre destin“. Cependant, tout en applaudissant la formation du gouvernement provisoire algérien au Caire en 1958, Belgrade a mis ses relations avec Paris sur une glace mince, le deuxième d’une série de conflits diplomatiques avec les pays occidentaux en seulement deux ans. Un an plus tôt, l’Allemagne de l’Ouest avait rompu ses relations diplomatiques avec la Yougoslavie en représailles à la reconnaissance de l’Allemagne de l’Est par la Yougoslavie, et les relations diplomatiques entre les deux pays n’ont été rétablies que le 31 janvier 1968.
Cependant, même au sein de la direction yougoslave, il y avait des désaccords sur l’attitude envers le FLN : certains membres du Comité central yougoslave acceptaient les arguments des socialistes français, selon lesquels il valait mieux soutenir les réformes et l’autonomie, plutôt que la révolution et l’indépendance, et étaient sceptiques quant aux capacités du FLN : – à vaincre l’armée française ; tandis que l’autre partie, dirigé par Tito, insistait pour un soutien sans équivoque au FLN, qu’il comparait au mouvement partisan en Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale. Puis ce fut un véritable scandale diplomatique le 18 janvier 1958, lorsque la marine française intercepta en Méditerranée le cargo yougoslave « Slovenija », chargé de 150 tonnes d’armes destinées aux rebelles algériens.
Lors d’une rencontre avec Josip Broz Tito en juin 1959, Ferhat Abbas, président du gouvernement provisoire algérien au Caire, avisa le président yougoslave que l’offre de De Gaulle d’une solution pacifique au conflit devait être sérieusement prise en considération. Le 16 septembre 1959, pour la première fois, a exprimé l’acceptation du principe d’autodétermination comme base possible pour la résolution des conflits, ce qui arrête temporairement les sévères critiques yougoslaves. Belgrade espérait un accord rapide sur l’indépendance de l’Algérie, avant que les relations entre la Yougoslavie et la France ne se dégradent à l’extrême.
Mais la France n’a pas arrêté les actions militaires contre le FLN et la Yougoslavie a continué à condamner la brutalité française en Algérie. Après l’insistance des dirigeants yougoslaves à lancer un référendum pour l’indépendance de l’Algérie, sous la supervision de l’ONU, et l’envoi supplémentaire d’aide matérielle au FLN, les relations entre Belgrade et Paris ont été portées au point de discorde ouverte. Enfin, le 2 février 1962, le gouvernement français expulsa l’ambassadeur yougoslave de Paris, après la reconnaissance de jure du gouvernement provisoire algérien par Belgrade (la France avait renormalisé les relations avec la RSFY en 1964).
En Yougoslavie, la lutte du peuple algérien est popularisée par le journaliste Zdravko Pečar, qui séjourne en Algérie avec les combattants du FLN en 1959. L’aide militaire est généreusement distribuée, ce qui contribue au succès du FLN. Des soldats algériens grièvement blessés ont été soignés dans des hôpitaux yougoslaves, tandis que des médecins yougoslaves ont formé des collègues algériens; des vêtements et de la nourriture ont été expédiés aux réfugiés algériens en Tunisie et au Maroc ; plusieurs centaines de bourses ont été accordées à des étudiants algériens dans les facultés yougoslaves ; des groupes folkloriques et dramatiques algériens venaient en Yougoslavie; et les observateurs du FLN ont été invités d’honneur au septième congrès du SKJ en mars 1958 et au congrès de l’Union des syndicats yougoslaves.
Après l’indépendance, le FLN algérien s’est intéressé au modèle yougoslave de socialisme autonome, tout comme l’UAR (Union syro-égyptienne), la Guinée, le Mali, la Tanzanie et le Ghana (jusqu’au renversement de Nkrumah en février 1966). La mise en œuvre de ce système a commencé trop rapidement, sautant les étapes nécessaires de centralisation, de collectivisation et d’industrialisation, dans les six mois après l’indépendance, les secteurs industriels, agricoles, miniers et commerciaux nationalisés fonctionnaient comme des organes autonomes.
La Yougoslavie a gagné un marché pour ses nouveaux produits et ses sources de matières premières. La capacité de la Yougoslavie à concurrencer les entreprises des blocs de l’Ouest et de l’Est dépendait du montant des prêts à long terme qu’elle pouvait accorder aux pays en développement. Afin de vendre les machines, elle a dû obtenir des prêts commerciaux. En 1967, la Yougoslavie avait accordé des prêts de plus de 650 millions de dollars, dont environ 200 millions à des pays africains, liés à l’achat de biens et de services yougoslaves. Le gouvernement yougoslave devait également fournir un soutien technique et ainsi répondre rapidement et efficacement aux demandes urgentes. Au cours de l’année 1963, après l’exode des colons français, les responsables algériens sont confrontés à une crise dans l’organisation des semailles de printemps. En quatre mois, la Yougoslavie a livré 400 tracteurs et formé plus de 600 Algériens pour faire face à la situation.
Le gouvernement yougoslave a fait face à une situation similaire en Éthiopie, mais n’a pas été en mesure de répondre efficacement aux défis. Lorsque de Gaulle retire les fonctionnaires français et l’aide de la Guinée en 1958, Seku Touré demande d’urgence 500 enseignants pour les écoles primaires, mais la Yougoslavie ne dispose pas d’assez de personnel francophone. Même en Algérie, l’aide yougoslave ne pouvait être comparée aux 15 000 techniciens et enseignants français qui travaillaient dans ce pays. La Yougoslavie elle-même était un pays en développement, avec de rares réserves de devises convertibles et un nombre insuffisant de techniciens pour répondre à toutes les demandes. En dehors de cela, la Yougoslavie n’était pas une puissance militaire qui fournirait les services militaires requis, ce qui a progressivement poussé les pays africains entre les mains de l’URSS ou de la Chine, comme garanties de sécurité contre d’éventuelles interventions impérialistes. En fin de compte, de nombreux alliés yougoslaves en Afrique ont été victimes de coups d’État militaires financés par l’Occident, ce qui a également entraîné un tournant dans la politique étrangère de ces pays.
La Serbie et l’Algérie ont marqué 60 ans de relations diplomatiques. La coopération commerciale et économique est en hausse et la mise en place d’une ligne aérienne directe entre Belgrade et Alger est attendue.