Une dérive antidémocratique qui ne refroidit pas les investisseurs
Sourdes aux critiques mais à l’écoute des promoteurs immobiliers, les autorités voient plutôt dans les façades bling-bling de Belgrade sur l’eau l’occasion de relancer le projet de métro. Les lignes qui étaient envisagées depuis les années 1970 suivent aujourd’hui un tracé bien différent. Au printemps dernier, le groupe français d’ingénierie Egis a ainsi soumis une étude de faisabilité en ce sens : la priorité n’est plus de desservir les quartiers les plus peuplés mais de faire de ce quartier de luxe un nouveau centre-ville, en le positionnant au croisement des deux lignes futures. Le terminus de la première ligne fait également polémique : cette plaine du sud encore inhabitée pourrait elle aussi être transformée en quartier résidentiel pouvant loger 30.000 personnes. Selon Dobrica Veselinovic, ces choix sont très éloignés de l’intérêt des Belgradois, qui n’ont pas eu leur mot à dire. « C’est devenu une habitude de la part de la mairie, accuse le militant de Ne davimo Beograd. Ils empêchent toute discussion sur le moindre sujet. Il n’y a plus de consultations publiques et il n’y a absolument aucune participation des citoyens dans les différents projets de la ville. »
Depuis son élection en 2014, le président serbe, Aleksandar Vučić, gouverne le pays de façon de plus en plus autoritaire, au point que Transparency International parle désormais de « pouvoir politique capturé » en Serbie. Cet ancien ministre de l’Information de Slobodan Milošević n’apprécie d’ailleurs pas les enquêtes des journalistes sur les liens entre le pouvoir et les réseaux criminels, et muselle la presse. Depuis qu’il est à la tête du pays, la Serbie a perdu 45 places au classement de Reporters sans frontières, aujourd’hui 90e sur 180 pays.
Une dérive antidémocratique qui ne refroidit pas les investisseurs, alléchés par les quatre milliards d’euros estimés pour la construction du métro. Lors de sa visite à Belgrade en juillet dernier, Emmanuel Macron n’a ainsi pas oublié d’emmener avec lui les dirigeants d’Alstom, en concurrence avec des compagnies chinoises pour mettre le métro sur les rails. Dans la foulée, une déclaration d’intention a été signée, et la France devrait effectuer un prêt de 80 millions d’euros à la Serbie pour financer la première phase du projet. L’ONG anticorruption Transparency Serbia a dénoncé le non-respect des procédures et l’opacité entourant ces choix. Mais du côté des autorités de Belgrade, on préfère faire de nouvelles promesses : les travaux commenceront dès 2020. Reste à voir si ces annonces passeront le cap des élections législatives, prévues en avril prochain.
source : reporterre.net