Après la terrible retraite à travers les montagnes albanaises, l’armée serbe, épuisée et affamée, arriva sur l’île de Corfou au début de l’année 1916. Là, sur ce bout de terre grecque, le peuple meurtri trouva à la fois le salut — et la tombe.
Sur les rivages de Corfou, où le vent portait l’odeur de la mer et de la mort, les premiers hôpitaux improvisés furent dressés. Des milliers de soldats, d’enfants et de civils reposaient sous des tentes, à ciel ouvert, luttant contre le typhus, la faim et des blessures qui n’étaient pas seulement physiques.
L’île de Vido, petit îlot en face de Corfou, devint le symbole d’une tragédie silencieuse. C’est là que furent enterrés ceux qui n’avaient pas survécu à la convalescence. Certains, trop nombreux, n’avaient même pas de place dans la terre — leurs corps furent immergés dans le bleu profond de la mer Ionienne. Cette partie de la mer est encore aujourd’hui appelée par les Serbes « le Tombeau bleu ».
Tandis que les prêtres célébraient chaque jour des offices funèbres, Corfou devenait aussi un lieu de résurrection. Dans des écoles improvisées, on apprenait à côté des lits, de nouvelles unités furent formées, des poèmes et des prières furent écrits. Sur cette île de douleur, l’espoir naquit — espoir de retour, de liberté et de vie.
Des médecins français et des missions alliées apportèrent toute l’aide possible. Malgré tout, le soldat serbe, bien que brisé, n’oublia pas de saluer le drapeau et de croire en son retour au pays. « Quand nous reviendrons, ce sera en vainqueurs », écrivit un officier anonyme dans son journal. Et en effet — de Corfou, des flots surgirent de nouveaux héros, prêts à marcher vers le front de Salonique et la victoire finale.
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