Dušan Vlahović, le joueur face aux nouveaux barbares

A l’occasion du transfert du joueur serbe Vlahović de la Juventus au PSG, les réseaux sociaux ainsi qu’une partie des supporters du PSG se sont élevé contre sa venue pour des raisons clairement politiques. En effet, le Collectif Ultra du PSG a dans une banderole arborée aux abords du parc des Princes indiqué « Vlahović à Paris, on te coupe tes trois doigts», dans un style digne des années 1930 qui fait froid dans le dos!

Il est reproché à Vlahović d’avoir pendant un match porté les couleurs ainsi que la carte de la Serbie dans ses frontières englobant le Kosovo. Or depuis 1999 et la résolution 1244 le Kosovo Metochie reste une province de la Serbie. En outre le Kosovo n’est toujours pas reconnu comme un État par l’ONU car moins de la moitié de ces états l’ont reconnu donc loin des deux tiers requis par l’ONU.

Plus grave encore, les opposants à la venue de Vlahović se trompent de combat politique en lui imputant des idées qui sont le contraire aux siennes. Il fait comme tout sportif serbe souvent le signe de la Trinité orthodoxe avec trois doigts réunis en signe de victoire. En affirmant que ce signe serait nazi, ses opposants font donc non seulement une interprétation erronée des symboles mais un sérieux contresens historique : pendant la Seconde guerre mondiale les Serbes se sont majoritairement battus contre l’ occupant allemand, pendant que les nazis ont réussi à créer des bataillons SS chez les musulmans bosniaques, comme la SS Handjar, ou les Albanais avec le Balli Kombetar, sans parler la collaboration entre l armée allemande et les oustachis croates. 

Evidemment, les medias dans leur grande majorité n’ont pas daigné parler de ce qui relève clairement ici du délit d’opinion. Quand certaines officines veulent évoquer le sujet, c’est comme à leur habitude pour semer le doute dans les esprits et jeter l’opprobre contre les Serbes, éternels bouc émissaires du malaise en cosmopolitisme et des ratés du «vivre ensemble». Ainsi la magazine So Foot en voulant se mêler de politique s’emmêle les pinceaux: il qualifie d’ « ultranationalisme» le fait de « porter un t-shirt avec une carte de la Serbie qui inclut le Kosovo à l’intérieur de ses frontières»: au grand dam de So foot, le Kosovo est une province de la Serbie, comme le stipule la résolution 1244 de l’ONU et n’est pas reconnu comme un Etat souverain par l’ONU; si fêter la victoire de son équipe nationale et être fier de ses couleurs devient de l’ultranationalisme, ce n’est plus la peine d’organiser des compétitions sportives avec des équipes nationales!

Mais il y a plus grave, c’est de faire un véritable contresens historique. Le fait de célébrer la victoire de son équipe en arborant le signe des trois doigts serait, selon So Foot ou RMC Sports, «repris par des franges néonazies»!!! Les Serbes fêtent les fêtes religieuses avec les trois doigts, symbole de la Trinité, coeur et fondement de leur croyance chrétienne. Par ailleurs, les Serbes sont le peuple ayant le plus combattu le nazisme durant la Seconde guerre mondiale et en ont subi des massacres atroces. Donc voir dans la célébration de la victoire par Vlahović un symbole nazi est non seulement preuve d’une ignorance crasse, mais aussi un contresens historique majeur!

On voit donc ici que la perte des valeurs et des repères culturels a inondé le milieu journalistique, si prompt à dénoncer le nazisme quitte à inverser la signification d’un symbole religieux et oecuménique, mais qui ne dit rien à l’encontre d’appels à la haine, typiquement fascistes. Quant aux incultes rejetons se réclamant supporters du PSG, ils ne sont que le pâle reflet de notre société soumise au diktat des pleûtres et sans réaction face à la barbarie. 

Alexis TROUDE
Enseignant à l’Université Melun Val de Seine (UMVS)
Chercheur à l’Institut de Stratégie Comparée (ISC)
Président du Collectif France-Serbie