Il n’y a dans le monde quasiment aucun homme d’origine serbe qui ne connaisse l’histoire tragique du bombardement impitoyable et criminel de Belgrade par l’aviation allemande, qui s’est déroulé très tôt ce matin le 6 avril 1941. Les images en noir et blanc, prises par les différentes caméras de l’époque, ont immortalisé cet événement affreux dans la mémoire collective de maintes générations de notre peuple. Mais, au-delà de l’histoire générale qui est d’ailleurs assez bien connue du grand public serbe, certes dans les grandes lignes, un groupe d’hommes déterminés à lutter jusqu’à la fin, fût-elle tragique, a marqué cette journée du 6 avril de son sceau indélébile et d’un courage majestueux.
La 6ème escadrille des avions de chasse, composée de quelques dizaines d’aviateurs, passait à l’époque comme l’une des mieux préparées, quasiment d’élite au sein de l’armée du Royaume de Yougoslavie d’alors. Notre récit commence dans une taverne en plein centre de Belgrade qui s’appelait « Zora » (« Aurore » en français). Parfaitement conscients de la lourdeur de la tâche qui les attend prochainement, très au courant de la supériorité technique et numérique des nazis, avertis de l’imminence de l’attaque allemande, les aviateurs de la 6ème escadrille ont décidé de passer de manière presque bohème leur, les événements ultérieurs le confirmeront hélas, dernière nuit dans ladite taverne.
L’état-major, tout en attente de l’attaque imminente allemande, a accordé cet après-midi libre du 5 avril aux aviateurs, à condition néanmoins qu’ils restent vigilants et prêts à tout moment à répondre à l’appel urgent, c’est-à-dire à décoller pour défendre le pays dans l’air. Il va de soi que nombre d’entre eux ont profité de l’occasion pour faire leurs adieux à leurs proches. Plusieurs membres de l’escadrille se sont rassemblés dans la « Zora » en compagnie de la célèbre chanteuse des années 1930, Divna Kostic, pour y passer une soirée joyeuse, gaie et en bonne humeur, tout en gardant dans la tête la pensée que le devoir national suprême peut les convoquer pratiquement à n’importe quel moment.
Avec un petit orchestre et la chanteuse évoquée, nos militaires ont bravé la mort en la méprisant virilement et stoïquement, grâce à la musique et la solidarité fraternelle. Alors, à une heure du matin le téléphone a sonné ce qui voulait dire que l’alerte a été donnée – chacun devait rejoindre immédiatement son poste.
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