La dame s’appelait Ljiljana Zikic-Karadjordjevic, avait 42 ans et était la mère de 6 enfants. 6 enfants, vous l’avez bien entendu. Née à Kragujevac en 1957, son personnage riche et inhabituel recouvrait plusieurs dimensions : ingénieure, ancienne ballerine, mannequin, poète et, figurez-vous, Miss Serbie en 1978. Le patriotisme chevillé au corps, un fort caractère sous-entendant dans son cas une fierté à la fois personnelle et nationale, Ljiljana n’a pas hésité, juste après les premiers bombardements effectués contre la Serbie par l’OTAN le 24 mars 1999, à offrir son avenir et tout ce qu’elle avait de plus précieux à sa patrie- sa vie.
Elle s’est engagée volontairement dans l’armée serbe (yougoslave) à l’époque comme un simple soldat pour être ensuite envoyée directement dans le chaudron bouillant, le théâtre d’opération le plus périlleux – au Kosovo-et-Métochie. Le 1er avril 1999 elle a été assassinée dans un guet-apens albanais aux environs de la ville de Pec, avec ses deux frères d’armes. Aucun autre cas de l’engagement pareil de la part d’une femme dans la guerre au Kosovo n’est connu jusqu’à ce jour.
Sa décision de rejoindre les rangs de l’armée serbe avait suscité assurément bien d’interrogations et même d’étonnements, ainsi que d’admirations bien entendu. Les commentaires du genre « comment une mère de 6 enfants a-t-elle pu les abandonner pour partir en guerre » ? pouvaient être entendus sortir de certaines bouches « inquiètes ». Parmi ses enfants, sa fille Dina nous donne la réponse : « Ma maman était une grande patriote, elle a écrit beaucoup de poèmes sur la Serbie, après quoi elle est partie se battre au Kosovo pour notre pays. Elle n’en est pas rentrée vivante malheureusement, mais elle est devenue héroïne ». Son poème le plus connu, tellement déchirant, au titre plus que symbolique « Je défendrai la Serbie même quand je serai morte », écrit quelques semaines avec la guerre, va rester à jamais comme l’expression d’un patriotisme sublime et pur, indiquant le chemin à suivre pour toutes les jeunes générations.
Dina ajoute également : « Je garde son journal dans lequel il est noté qu’ils vont nous bombarder quelques mois avant ce mois de mars 1999. Il me semble qu’elle n’ait pas pu supporter quand la guerre avait commencé et pour cette raison elle était partie au Kosovo. Même sa décision de s’engager dans l’armée a été notée dans son journal. En lisant ces lignes je me suis rendu compte qu’elle avait imaginé partir en guerre, défendre le pays et rentrer chez soi.
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